Dans le bassin méditerranéen, l’huile d’olive est présente depuis la haute Antiquité dans les cultes païens puis chrétiens et dans le domaine de la médecine sous une forme odorante en étant associée à des herbes, des fleurs, des végétaux spécifiques, des résines, des gommes, …
La connaissance des huiles parfumées prendra un essor particulier avec la diffusion du christianisme par les Pères de l’Eglise au III° siècle ap. JC.
Pour cette huile parfumée, trois fonctions se dégagent notamment dans les religions chrétiennes :
- La guérison
- L’odeur de sainteté et les rites
- L’éclairage
a) La guérison
C’est une mission des apôtres que de guérir et de soulager les fidèles comme Jésus l’avait initié et comme le Nouveau Testament le relate. Certains fidèles venaient eux-mêmes avec leurs fioles remplies d’huile parfumée aux plantes ou aux aromates pour obtenir la bénédiction de cette huile, lui conférant ainsi une consécration source d’un impact spirituel puissant. D’autres fidèles préféraient recevoir l’onguent directement du prêtre car souvent la maladie était l’expression du démon et le prêtre pouvait alors exorciser la personne.
Souvent le prêtre était en compétition avec les médecins car les plantes et leurs capacités thérapeutiques étaient connues. D’ailleurs certains hommes célèbres comme Dioscoride (40-90 ap. JC) ou Pline l’Ancien (23-79) ont laissé des ouvrages sur les vertus médicinales des plantes. Eusèbe de Césarée (265-340) indique que les fleurs ont été créées pour la santé et non pour le plaisir. Clément d’Alexandrie (150-215) nous dit que le plus important pour la santé est d’offrir au cerveau de bonnes odeurs. Pour certaine maladie, les prêtres connaissaient bien les traitements et la guérison était aisée. Les maux de tête étaient soignés avec de l’huile parfumée aux roses ; l’huile de cèdre guérissait les dermatoses. L’huile parfumée aux plantes a donc constitué un moyen très efficace d’attirer des fidèles, et peut-être de créer des croyances miraculeuses à l’occasion des guérisons.
b) L’odeur de sainteté et les rites
Le parfum dégagé par la combustion ou l’application cutanée des huiles parfumées est toujours d’actualité. Le parfum symbolise la présence du divin et ses fragrances subtiles, agréables renforcent les prières, la croyance et évoque le Paradis. Le corps de Jésus fut d’ailleurs imprégné d’huile parfumée aux aromates afin de retarder la dégradation de celui-ci. On utilisait le bdellium (gomme-résine en provenance des Indes orientales, d’Afrique et d’Arabie), la myrrhe, l’oliban (gomme-résine aromatique), le styrax (plante odorante), le nard (plante aromatique), le baume. Peu à peu dans les églises les fidèles vont non seulement respirer le parfum mais prélever l’huile qui brûle devant eux sur le tombeau car elle représente une huile sainte bénéficiant de grands pouvoirs de guérison. Ils l’utiliseront soit en onction soit en potion. Cette croyance se diffusera à tel point que l’on remplira certains tombeaux d’huile pour l’extraire après avoir été en contact avec les reliques du saint. D’autres églises deviendront des lieux de pèlerinage important où les fidèles viendront honorer un saint en particulier et recevoir une huile spécifique que l’on appelle le myron. Cette substance pouvait être également considérée comme l’équivalent d’une potion magique. Ainsi en 1040 lors du siège de Thessalonique par les Bulgares, les habitants de cette ville s’enduisent de myron et remportent une victoire sur les envahisseurs. Parfois un vase est fixé dans le sol ou sur le tombeau pour montrer qu’il touche le saint et que l’huile qui y est déposée est sanctifiée.
Très souvent une mauvaise odeur était considérée comme le signe d’une maladie ou d’une infection potentielle avec contamination. Le dégagement d’un parfum par des fumigations de plantes était un moyen de purification ou de désinfection d’une maison.
Il est à noter que les Eglises orientales confectionnent le saint chrême avec de l’huile d’olive, du safran, de la cannelle, de la rose, … Dans le rite byzantin le saint chrême est réalisé à partir d’une soixantaine d’ingrédients lors des 3 premiers jours de la semaine sainte. Il est consacré par le Patriarche et est utilisé pour les onctions de consécrations où l’Esprit Saint pénètre les êtres car l’huile d’olive de qualité diffuse rapidement à travers la peau humaine. Enfin, l’expression « odeur de sainteté » date du IX° siècle.
c) L’éclairage
Il est encore en usage aujourd’hui surtout dans les petites églises grecques où des fidèles alimentent en huile parfumée des petites lampes. La flamme de la lampe symbolise la présence de Dieu. Le parfum évite l’odeur âcre de la combustion de l’huile naturelle. Il est à noter que l’huile d’éclairage parfumée était utilisée dans les villas des familles aisées. Il était le plus souvent ajouté à l’huile des gommes, des résines ou des aromates.
L’huile d’olive est décidément très présente dans notre vie et notre culture. Son utilisation religieuse est un témoignage de ses qualités, de son histoire spirituelle et de sa présence fondamentale au cœur de notre société.
Sources : Béatrice Caseau, Parfum et guérison dans le christianisme ancien – Jean-Louis Benoît, Autour de l’odeur de sainteté.
Texte de JP Gandelin