Nous vous avons déjà donné dans nos précédentes newsletters un aperçu de l’importance de la culture grecque dans notre civilisation d’aujourd’hui. En lisant un livre très intéressant, histoire des préjugés de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit dans la Collection Proche nous découvrons que certains préjugés datent de la période antique grecque et qu’ils sont toujours présents.
Ainsi les Grecs ont utilisé le mot « barbare » pour désigner une personne qui ne parlait pas la langue grecque puis toutes celles qu’ils jugeaient étrangères aux mœurs du monde hellénique. Une manière de s’isoler en quelque sorte pour se protéger des Autres, lesquels malheureusement étaient souvent agressifs et enviaient les territoires grecs et leur culture. D’ailleurs les tentatives des Autres donnèrent lieu à des occupations illicites et des guerres. Athènes fut par exemple dévastée par l’invasion perse de 480-479, les temples furent détruits et ne furent pas reconstruits en témoignage de la barbarie des Autres. Tous ces évènements renforcèrent l’idée que les Autres, les barbares, étaient incapables de respecter les bonnes mœurs, les choses sacrées, et notamment la religion de l’époque qui structurait la vie, les relations sociales du peuple grec.
Au IV° siècle av. J.C., Hippocrate (460 – 370) a tenté d’expliquer que le climat influençait le comportement des hommes et que ceux qui habitaient des contrées où l’alternance des saisons était plus prononcée avaient tendance à être plus violents. Puis Aristote (384 – 322) compléta cette première observation en précisant que les barbares vivant au nord dans le froid étaient courageux mais stupides et que ceux qui vivaient au sud, bien au chaud, étaient plutôt mous et fourbes. Puis d’autres savants grecs évoquèrent les différences de régimes alimentaires axés pour les Grecs sur les céréales et le vin tandis que les peuples de la steppe mangeaient en abondance des laitages et des viandes ce qui expliquait donc leur tempérament sanguin.
Hérodote (484 – 425) prenait exemples sur les Scythes qui transformaient les crânes de leurs ennemis en coupe à boire, image qui fut ensuite celle des Gaulois, des Lombards, des Bulgares. Les Grecs quant à eux cultivaient une beauté de l’homme fondée sur l’harmonie et le respect du corps ce qui s’opposait aux pilosités et aux musculatures excessives des corps, aux tatouages. A noter que l’automutilation, les tatouages furent interdits par l’église chrétienne initiée par les Patriarches d’origine grecque qui ont prêché le respect de la création de l’homme, celle de Dieu.
Les Romains qui envahirent la Grèce mais qui intégrèrent totalement la culture grecque transmirent la représentation de l’image négative du barbare. Toutefois au cours du temps, il fut remarqué que le barbare du nord était plus efficace et motivé. Tacite (58 – 120) nota que ce dernier était moins sujet à la débauche, à l’argent, à la consommation de vin. Plus tard les Luthériens au XVI° siècle s’honorèrent de leur héritage antique où les Germains n’avaient fait que lutter contre une Rome corrompue.
Enfin lors de la seconde guerre mondiale, cette valeur des antiques Germains fut reprise par le discours nazi pour purifier la race aryenne. Et puis aujourd’hui même si parfois des exactions justifient l’emploi du mot « barbarie », le mot barbare qualifiant un être mauvais parce que venu d’ailleurs persiste. (Informations puisées dans le texte de Bruno Dumézil p23 du livre précédemment cité).
Dans un registre similaire les personnes à chevelure rousse étaient mal perçues. Elles étaient considérées comme cruelles, menteuses, ridicules, … La mythologie présentait également les êtres monstrueux, ennemis de Zeus affublés d’une chevelure rousse. Une légende de l’Egypte pharaonique rapportait que des jeunes gens aux cheveux roux étaient sacrifiés pour honorer le dieu Seth dont la chevelure était également rousse. Les roux furent longtemps discriminés et à notre époque contemporaine on a en plus renchérit dans le portrait négatif en décrétant que ceux-ci ont une odeur forte et peu agréable. C’est dire si ce préjugé a la vie dure ! (informations puisées dans le texte rédigé par Michel Pastoureau, Les roux sont faux et sentent mauvais, p51 du livre précité).
Enfin un troisième exemple de préjugé en vigueur au V° siècle av. J.C. en Grèce, celui de l’hystérie féminine. Hippocrate qui a décrit sa théorie des humeurs de l’homme (le sang, l’eau, la bile, le phlegme) pensait qu’elles étaient différemment réparties dans le corps en fonction du sexe. Chez la femme, le siège des humeurs résidait dans son utérus. La femme a la particularité d’être soumise aux flux menstruels qui agissent sur son équilibre nerveux. Différents savants s’accordèrent à dire que l’utérus serait à l’origine des mouvements respiratoires, des angoisses, elles-mêmes provoquant des maladies associées. De plus Platon, Aristote, Gallien se firent l’écho des médecins égyptiens qui rendaient l’utérus responsable des problèmes physiques et moraux en 1900 et en 1600 av. J.C.. Parmi les maux qu’ils ont constatés et mentionnés sur des papyrus, la fatigue, l’abattement, les douleurs du cou, des yeux, des dents, … Ces informations seront reprises jusqu’au XIX°.
Puis on en vint à expliquer la folie féminine par des dérèglements de l’utérus et à la qualifier d’hystérie. Il faudra attendre l’analyse de Freud pour détacher le lien avec l’utérus et caractériser la libido de la personne comme la cause d’une excitation hystérique. Mais comme les deux autres préjugés, le comportement hystérique est encore principalement affecté aux femmes puisque Roman Polanski a qualifié le mouvement « # Me Too » d’hystérie collective ! (informations puisées dans le texte de Yannick Ripa, les femmes sont hystériques, p69 du livre précité).
Vraiment ce petit livre contient une mine d’informations. Chacun pourra juger de la pertinence des descriptions qu’il fournit et s’interroger sur la persistance de certains préjugés.
Texte de JP Gandelin
Photo Gandelin Passions
