Le livre a été depuis toujours le support de la culture des peuples et a permis de mémoriser l’histoire, les sciences, les chants, les recettes de cuisine, la description des coutumes, etc.
Avec la famille des Ptolémée, rois grecs, qui régnèrent sur l’Egypte, les livres devinrent un moyen de pouvoir en concentrant tout le savoir du Moyen-Orient que des émissaires achetaient ou volaient pour le compte du roi et pour développer sa domination sur la région.
Ptolémée ancien général d’Alexandre le Grand revendique la possession du territoire égyptien à la mort d’Alexandre en 323 av. J.C.
Ptolémée avait remarqué que son empereur se déplaçait avec les livres d’Homère, l’Illiade en particulier, et qu’il avait organisé sa vie en imitant la vie des héros homériques et surtout celle d’Achille. Ptolémée comprit tout l’intérêt de posséder des livres et d’en connaître le contenu. Il avait aussi remarqué qu’Alexandre avait mis un point d’honneur à détruire la bibliothèque de Persépolis lorsqu’il envahit la Perse.
Une bibliothèque était donc un bâtiment qui asseyait le pouvoir du roi et de la civilisation en place. La destruction d’une bibliothèque était de nature à entraîner la disparition des fondements d’une civilisation et la soumission des peuples.
Les livres les plus anciens remontent à 5000 ans et à 4500 ans en Crète. Toutefois dans ces temps anciens, les livres avaient la forme de tablettes d’argile puis de rouleaux de papyrus. Pour garantir la conservation des livres ou pour développer l’acquisition de nouveaux documents, il fallait recopier les originaux. Des bibliothèques existaient en Mésopotamie, en Syrie, en Asie Mineure, en Perse. Le roi assyrien Assurbanipal au VII° siècle av. J.C. fut le plus grand collectionneur de livres avant Ptolémée.
Ptolémée Sôter 1er, devenu roi en 305 av. J.C. décide de transformer Alexandrie en véritable capitale culturelle du monde hellénistique qui rivalise avec Athènes. Dans ce but il modernise la bibliothèque créée en 288 av. J.C. Il fait appel à Démétrios de Phalère pour la diriger et rassembler tout le savoir disponible à l’image d’un data center d’aujourd’hui. Elle recevra à ses débuts 400000 livres et contiendra 700000 ouvrages à l’époque de César. Pour y parvenir, les livres sont copiés, achetés ou volés. Tous les navires faisant escale sont sommés de présenter les livres qu’ils transportent pour être copiés. L’usage de la langue grecque dans tout le Moyen-Orient facilite le travail des scribes. De plus des traducteurs réécrivent les ouvrages comme la bible écrits en langues étrangères (hébreux, araméen, iranien, indou).
Alexandrie invite tous les chercheurs et les savants à venir s’installer et s’instruire dans cette bibliothèque. On peut retenir les noms d’Euclide, de Straton (physicien), d’Aristarque (astronome), d’Eratosthène qui calcule la circonférence de la terre, d’Archimède, de Denys le Thrace (grammairien), d’Héron d’Alexandrie qui invente la machine à vapeur.
En Egypte, il était d’usage depuis les premières dynasties pharaoniques d’employer le papyrus, plante du même nom, poussant sur les bords du Nil et dans le delta de ce fleuve. On obtenait ainsi des feuilles de fibres végétales écrasées et entrecroisées et dont la sève les collait naturellement en séchant. Cette feuille comportait un côté où les fibres étaient disposées verticalement et le verso, seule face destinée à l’écriture, où elles étaient dans une position horizontale permettant après ponçage à la pierre ponce, une écriture plus aisée. L’outil ancêtre du crayon était le calame ou la plume d’oiseau ou encore une plume métallique. Le calame est une sorte de bambou taillé en pointe que l’on trempait dans une encre noire à base de suie, de lie de vin ou de noir de sèche et d’une gomme végétale pour l’épaissir. Parfois, on tentait d’effacer un texte par grattage pour remployer le papyrus qui devenait alors un palimpseste qui laissait transparaître légèrement les anciennes écritures.
Le livre avait la forme d’un rouleau de papyrus de 30cm de hauteur par 3m de long. Plusieurs feuilles étaient collées à la suite et on lisait ce rouleau d’un bout à l’autre en le dépliant des deux mains. Il fallait se mettre sur une table ou au minimum dans une position assise avec le rouleau sur les genoux pour le lire.
On imagine la patience qu’il fallait avoir pour retrouver le paragraphe lu alors que le papyrus se refermait sur lui-même dès lorsque le lecteur enlevait l’une de ses mains pour se gratter le visage ! Ce rouleau était aussi appelé « volumen ». Il était aussi fragile et pouvait être détruit par l’humidité, les insectes (mites), les rongeurs et les lecteurs ce qui nécessitait un stockage et une surveillance soignés. Le rouleau dégradé était alors recopié par un préposé souvent un esclave.
A l’école, on utilisait surtout des tablettes d’argile dont une face était enduite de cire et un stylet dont une extrémité avait la forme d’une spatule pour effacer les écritures.
Au II° siècle av. J.C. la ville de Pergame en Anatolie, gouvernée par le roi Eumène II, crée une bibliothèque concurrente à celle d’Alexandrie. Ptolémée V décida alors de supprimer l’approvisionnement de cette région en papyrus. Mais cela aboutit à la réalisation d’un nouveau support d’écriture, le parchemin. Celui-ci est une peau tannée (veau, mouton, agneau, chèvre), étirée et poncée pour la blanchir et éliminer les impuretés. De plus avec le parchemin, il est possible d’écrire des deux côtés.
Jules César soumet l’Egypte en 48 av. J.C. et Cléopâtre devient la reine de ce pays. Puis l’empire romain va dominer la région avec Marc Antoine, Octave, …. Toutefois, les romains sont admiratifs de la culture grecque qu’elle soit livresque, architecturale ou artistique. Des bibliothèques sont édifiées dans Rome et les livres continuent de tenter les hommes politiques de cette époque. Les romains sont un peuple organisé et pragmatique. Le rouleau de papyrus qui se referme à tout moment devient insupportable et ils mettent au point au premier siècle de notre ère une nouvelle forme de livre, le codex. Il s’agit alors de plusieurs feuilles de papyrus ou de parchemin pliées et reliées par des cordons. La lecture, le transport, le stockage deviennent plus aisés. Un codex de parchemin pouvait alors contenir un texte 6 fois plus long. Puis on invente la table des matières pour faciliter les recherches et bientôt la reliure puis l’imprimerie au XV° siècle. Et enfin à notre époque du tout électronique, le livre papier est toujours demandé et semble même être plus fiable et plus durable car il est possible de supprimer les fichiers électroniques à distance. Certains en ont fait les frais en constatant un jour sans avis l’impossibilité d’ouvrir leur fichier électronique pourtant achetés sur un site Internet marchand. Mais parfois, l’homme peut aussi décider de détruire des livres papier (autodafé), des bibliothèques, et pire, de tuer des hommes.
Constatons tout-de-même ce long parcours des livres sous forme papier qui sont toujours d’actualité et la masse d’informations infinie qu’ils contiennent tels des gardiens de nos civilisations et de nos esprits.
(Pour aller plus loin dans la connaissance de l’histoire du livre, je vous conseille la lecture du livre d’Irène Vallejo, l’infini dans un roseau, ed. des Belles Lettres, 2021, 559p).
Texte de JP Gandelin
