Nous avons beaucoup de points communs aves les Grecs lorsque nous prenons un repas.
Mais il semble que la convivialité qui règne en Grèce ou en Crète au moment du dîner soit une manière de table que les Grecs nous ont transmise depuis l’Antiquité et qu’ils l’entretiennent depuis avec ferveur. A cette époque les Grecs se réunissaient, mangeaient et buvaient suivant des coutumes très anciennes. On appelait une réunion de convives, un banquet ou un symposium. Cette fête permettait avant tout d’échanger sur la vie en général et sur les problèmes existentiels de chacun. On commençait par se restaurer, puis une fois rassasiés on passait aux choses sérieuses, c’est-à-dire à la discussion accompagnée de vin. Toutefois le vin était coupé d’eau ce qui permettait d’éviter l’ivresse trop rapidement car les vignes baignées de soleil donnaient des vins puissants. Mais au cours de la soirée l’alcool finissait par exciter les buveurs et les langues se déliaient d’autant plus que la soirée s’éternisait.
Aujourd’hui dans les tavernes ou les restaurants grecs, on voit arriver des groupes vers 22h qui commandent un ensemble de plats variés. Pour une table donnée, la cuisinière fait en sorte d’apporter les plats tous en même temps ce qui garnit complètement la table. Ensuite les Crétois se servent de leur propre fourchette pour rapatrier la nourriture dans leurs assiettes, mélangeant allègrement les aliments.
Le touriste français est un peu différent. Pour lui, il y a d’abord un choix individuel d’un ou plusieurs mets qu’il entend bien manger exclusivement dans un ordre qu’il a aussi déterminé et qui ne sera pas toujours respecté par le tavernier grec. L’aspect du contenu du plat et les saveurs qui se dégagent sont déjà des ressentis forts qui peuvent à eux seuls rendre la soirée tout à fait satisfaisante.
Cependant le Grec accorde plus d’intérêt à la discussion qu’aux plats tout en notant bien sûr que la cuisine doit être bonne sinon la soirée s’étiole rapidement. Grec ou Français on attend que le cuisinier ou la cuisinière réalise un sans-faute. Mais on peut noter que le touriste français a plus de désir à déguster un mets de qualité et qu’il se délecte souvent en silence ce qui n’est pas possible pour les Grecs.
Afin d’en savoir plus j’ai remonté le temps en consultant un auteur grec, Plutarque (44-125 ap. J.C.) et son livre, Propos de tables. Dans cet ouvrage Plutarque développe ses observations issues des discussions entre convives. Il s’interroge sur la faculté du vin à rendre les gens bavards ; pourquoi les femmes n’ont pas besoin de vin pour être plus volubiles ? Pourquoi certains mets, certaines manières de manger sont préférés ? Pourquoi les anciens mangeaient couchés et selon certaines traditions ?
Il prônait la modération vis-à-vis des excès culinaires, des boissons, du luxe ostentatoire des banquets. Il s’interrogeait à propos de l’impact des aliments sur notre comportement. Il concluait ses réflexions sur l’idée que la nourriture, les manières de tables participaient à notre compréhension du monde, à la manifestation de nos relations humaines, à notre sensibilité aux bonnes choses de la vie mais aussi moins positivement à la création de manies, de désirs artificiels et éventuellement de déviances.
A partir de ces constats il propose ses conclusions philosophiques. Pour lui il faut rechercher un juste milieu notamment en reprenant l’exemple du vin qui absorbé en quantité modérée libère la parole, détend l’âme et rapproche les hommes et absorbé en trop grande quantité provoque l’ivresse et des comportements excessifs nuisibles aux bonnes relations. Il défend l’idée que la convivialité est l’élément le plus important à maîtriser dans un banquet. Aussi il affirme que c’est la qualité de la relation humaine qui prime sur la qualité de la cuisine même si la qualité du travail du cuisinier construit et crée cette qualité de la relation entre les hommes. Le repas, c’est une joyeuse conversation amicale favorisée par des mets de qualité.
Nous avons tous eu des exemples où nous avons passé des moments de rêve au cours d’un repas. Ils résidaient dans un accord à postériori parfait entre les discours, les chansons, les sentiments d’amour, d’amitiés pour les participants (ou les participantes) et la qualité des mets, de leur présentation, de la sérénité ou de l’originalité du lieu où nous étions présents.
Bien sûr que chacun a sa propre vision ou un ressenti différent car dans notre culture française, nous avons tous un désir personnel, une envie d’un bon moment à passer sans pour autant s’associer à un groupe d’amis mais lorsqu’on se rappelle des évènements passés n’êtes-vous pas d’accord qu’une émotion vécue à plusieurs a plus de force ?
Et c’est bien dans ce sens que les Grecs organisent leur repas !
JP GANDELIN
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