LE VENT
o αέρας
Le vent en Crète est un élément physique et météorologique toujours très présent dans la vie des insulaires. Il permet en première approche de réguler la température et de rendre les étés plus supportables. Pour les touristes il est parfois pénible notamment lorsqu’il soulève le sable sur les plages, emporte les parasols et les ballons au large. Mais il remplace avantageusement une climatisation la nuit si l’on dispose d’une chambre avec deux fenêtres opposées. Le bruissement du vent au travers de celles-ci et les courants d’air deviennent une aide à l’endormissement après une journée passée au soleil. Il fait l’objet aujourd’hui de gros investissements de la part de sociétés grecques ou étrangères qui installent des champs d’éoliennes. Lorsque le vent souffle en été, la Crète devient le principal exportateur d’électricité vers la Grèce continentale pour alimenter les climatisations des grandes villes du continent.
De toute façon, il est associé à la vie des Crétois depuis toujours et surtout à celle des agriculteurs car sa direction annonce soit le beau soit le mauvais temps. Parfois il apporte avec lui du sable lorsqu’il vient de Libye, et là, il est redouté au printemps où la floraison des arbres fruitiers se présente. Le sable surtout avec la pluie se dépose sur les fleurs qui se referment ensuite en prenant la forme du futur fruit et en l’incorporant. C’est pratiquement un aléa sévère pour la future récolte car les fruits pourriront rapidement même sur la branche. Il en est ainsi des oliviers rappelant les incertitudes liées à la production végétale et de l’huile d’olive. Au-delà de l’agriculture le vent est l’élément inséparable de la mer et des activités maritimes. Sur terre il fait l’objet du culte d’un Saint, Saint Elie qui est fêté par les Eglises orthodoxe et catholique le 20 Juillet. En Crète depuis l’avènement de la chrétienté chaque évènement, chaque corporation, chaque activité humaine est associé à un Saint. La société chrétienne a puisé dans la mythologie et a proposé des Saints qui sont vénérés dans des églises ou des chapelles. Saint Elie en fait partie et est représenté comme le maître de la foudre et des orages. Auparavant dans l’Antiquité grecque, le dieu du vent était Éole qui est mentionné dans l’Odyssée d’Homère, chant X.
En Crète, le vent est orienté selon différentes directions. Celui du Nord, le Meltemi, fait fuir les pluies et les hivers trop froids. Toutefois autant il favorise la navigation à voile vers la Libye et l’Egypte au printemps autant il constitue un sérieux handicap pour le retour vers la Crète à la fin de l’été car il a tendance à devenir très puissant sur les vastes étendues marines. Sa force entraîne l’agitation de la mer et la nécessité pour les petits bateaux de se protéger dans un port. L’Apôtre Paul lors de son transfert depuis la Crète dans les prisons de Rome en 60 ap. J.C. tout comme les petits pêcheurs d’éponge grecs du XX° siècle ont largement subi sa violence notamment sur la mer de Libye.
Parfois le vent vient du Nord-Est, le maïstros, en étant moins violent ou tout en restant dans cette configuration est plus présent sur les régions montagneuses où il prend la dénomination de tramountana. Parfois le vent est orienté à l’Est, le Zephiros. Il apporte les averses parfois très abondantes ainsi que son cousin le vent du Sud-Est qui déclenche des orages diluviens. Il y a le vent du Sud, le Notias, très chaud qui dessèche toutes les cultures mais qui peut aussi être accompagné de pluies chaudes, plutôt bénéfiques pour les végétaux si le sable ne vient pas s’inviter à celles-ci. En hiver ce dernier est un avantage car il permet à la nature de démarrer son renouveau sauf lorsqu’il arrive de manière inattendue trop tôt en plein hiver suivi d’une période de gel. Dans ce cas il leurre la nature, les arbres se couvrent de bourgeons, les amandiers et les citronniers fleurissent avant l’heure puis subissent le sursaut de l’hiver mettant en péril la poussée future des fruits. Il y a aussi le vent du Sud-Ouest qui est source d’un temps plus froid sans pluie mais avec quelques gelées. A noter que le gel se manifeste plutôt sur les cultures de montagne.
A la Saint Elie, les paysans scrutent le ciel et surtout le vent car celui-là sera dominant tout l’hiver et ainsi il est possible de savoir comment se déroulera l’hiver. Si le vent vient du Nord alors l’hiver sera dur. Au contraire s’il vient du Sud alors l’hiver sera doux. Enfin si ce jour de la Saint-Elie, le vent change de direction alors l’hiver sera perturbé.
Au XIX° siècle on célébrait la Saint-Elie dans les chapelles d’altitude dédiées à ce Saint. Là on égorgeait un bœuf que l’on mangeait au cours du festin qui suivait la cérémonie religieuse présidée par le pope du secteur. C’était l’occasion pour tous les villageois des alentours de se regrouper et de participer à la vie du pays. Chaque homme montait sur la montagne avec son fusil et tirait en l’air pour marquer son départ de son village puis célébrait par d’autres tirs l’arrivée de ses voisins à la cérémonie. Une manière de montrer peut-être leur force et de se faire entendre de Saint Elie, pour gagner son estime, et qu’il leur souhaite bon vent !
texte et photo de JP GANDELIN